Évangile selon St Marc 9, 30-37
En ce temps-là, Jésus traversait la Galilée avec ses disciples, et il ne voulait pas qu’on le sache, car il enseignait ses disciples en leur disant : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera. » Mais les disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de l’interroger.
Ils arrivèrent à Capharnaüm, et, une fois à la maison, Jésus leur demanda : « De quoi discutiez-vous en chemin ? » Ils se taisaient, car, en chemin, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand. S’étant assis, Jésus appela les Douze et leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d’eux, l’embrassa, et leur dit : « Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. »
180522 Mc 9, 30-37 L'Enfant du Royaume.mp3 |
Ô Christ-Roi, tu nous enseignes à adresser notre prière à Notre Père en disant : « Que ton Règne vienne ! » (Mt 6, 8) Pour toi, Dieu est Roi. Pour toi, Dieu est Père. « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! » (Mt 16, 16) Pour faire sa volonté sur la terre comme au ciel, – en t’imitant –, il faut te reconnaître Enfant, il faut que nous devenions enfants, comme toi, du Royaume de ton Père, Notre Père.
La grâce de vivre de l’Amour de Dieu, mort à moi-même, vivant en tant qu’enfant du Père.
Alors que Jésus parlait ainsi aux disciples de l’avenir : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera », saint Marc a écrit son Évangile après l’accomplissement de cette prophétie. Tandis que cet Évangile du « Temps Ordinaire » représente le « temps présent » pour les disciples qui sont en compagnie de Jésus, nous pouvons cependant méditer ce texte à la lumière de sa Passion, de sa mort et de sa Résurrection. En particulier, la lettre aux Hébreux reconnaît la naissance divine du Fils de l’homme dans la Résurrection du Christ, à la lumière des prophéties : « Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré. » (Hb 1, 5 / Ps 2,7) ; « Moi, je serai pour lui un père, et lui sera pour moi un fils. » (Hb 1, 5 / 2 S 7, 14) ; « Me voici, moi et les enfants que Dieu m’a donnés. » (Hb 2, 13 / Is 8, 17 et 2 S 22, 3) Voici notre clef de lecture pour cette méditation.
1. « Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. »
Dans quel sens devons-nous entendre cette affirmation du Christ ? L’ordre de sa pensée n’est pas toujours le nôtre. Le sens littéral, l’ordre chronologique de ce qu’il nous dit dans un langage d’expérience humaine, c’est qu’il faut tout d’abord accueillir un enfant en son nom, l’acte qu’il attend pour sentir l’accueil de ses disciples par ce geste concret. Mais pourquoi, parmi tous les êtres humains selon leur développement, s’associe-t-il avec « l’enfant » ? Sa spiritualité, sa Personne divine, qui parle par notre nature humaine, est finalement celle de « l’Enfant », le Fils de Dieu : si nous avons un esprit contemplatif, il nous invite à reconnaître son enfance éternelle, sa filiation divine. Si le but de la nature, de la biologie, est que l’organisme vivant arrive à maturité, devienne « adulte » – la grâce, la participation dans la vie de Dieu, la « vie éternelle », ne peut souffrir aucun vieillissement à cause de l’âge de la personne. Le passage du temps dans l’histoire du salut ne conduit pas à la Mort, mais à la Vie ; pas à la mort, mais à la naissance ; pas à la fin des temps, mais au commencement de l’Éternité avec le Père et le Fils dans l’unité du Saint-Esprit.
2. « Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. »
Jésus n’est pas un homme centré sur lui-même : il vit pour son Père. S’il nous parle, il est le visage de notre Père. Dans l’exemple que le Christ donne à ses disciples, l’accueil d‘ « un enfant comme celui-ci » devient l’accueil du « me voici » du Christ, le Fils du Père. Pour sa part, saint Jean l’évangéliste nous affirme par la bouche du Christ que le Père « a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle » (Jn 3, 16) ; « à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu, eux qui croient en son nom » (Jn 1, 12). Néanmoins, pour recevoir le Christ il faut accueillir son cheminement : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera. » Là, il n’y a pas de discussion possible sur qui est « le plus grand » quand le Christ-Crucifié, couronné, sera rendu « le Plus-Petit » en anéantissant toute domination fictive des ambitions humaines futiles devant son Royaume de charité qui passe de la mort à la vie : l’Amour divin qui l’enfante éternellement.
3. « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. »
Le Fils de Dieu n’est pas une Personne divine centrée sur elle-même : il vit pour nous. Il est « le Premier » par excellence, parce que « le Serviteur » par excellence, toujours devant nous : « Il est l’image du Dieu invisible, le premier-né, avant toute créature » selon la théologie de saint Paul (Col 1, 15). Dans notre nature humaine il réalise le passage de son « mon Père » à notre « Notre Père », son humanisation pour notre divinisation, son Incarnation pour notre adoption divine : l’accomplissement du « Me voici, moi et les enfants que Dieu m’a donnés » (Hb 2, 13 / Is 8, 17 et 2 S 22, 3) selon notre clef de lecture. Ayant appris son enseignement du service, sa charité patiente, saint Paul regarde ainsi le Christ-Roi : « il nous a placés dans le Royaume de son Fils bien-aimé » (Col 1, 13), dans le même passage où il le reconnaît comme le premier-né de toute la création. Les disciples avaient peur d’interroger Jésus sur ce chemin de la croix, ce mourir-à-soi-même nécessaire à la glorification du Père, cet enfantement à la vie éternelle. Ils se turent avec honte. Les discussions qui naquirent de leurs ambitions humaines vaniteuses les révélèrent trop « adultes » devant lui ! Jésus devient Enfant devant eux par l’embrassement d’un enfant, en voulant les engendrer au Royaume. Saurons-nous devenir des « enfants » au service filial du Père, en ramenant « les grands » de ce monde à l’adoption divine par notre patience christique ? Sais-je toujours chercher le bien d’autrui pour l’amour et la gloire de Dieu ?
Ô Christ-Roi, tu nous as enseigné : « Amen, amen, je te le dis : à moins de naître d’en haut, on ne peut voir le royaume de Dieu » (Jn 3, 3), « Amen, je vous le dis : si vous ne changez pas pour devenir comme les enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux. » (Mt 18, 3) et « Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. » (Mt 28, 19-20) Que ton Règne vienne ! Aide-moi à mourir à moi-même pour que je puisse être enfanté du Père. Concède-moi la grâce d’aimer le Père avant toute chose et mon prochain comme moi-même. Avec saint Paul je m’écrierai : « Avec le Christ, je suis crucifié ; je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi ; ce que je vis aujourd’hui dans la chair, je le vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi ! » (Ga 2, 19-20) Toi, l’Enfant du Royaume !
Servir quelqu’un avant moi-même pour l’amour de Dieu.